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22 juin 2010 2 22 /06 /juin /2010 16:33

 

II – 3 -  La particularité de la France [1]

 

En Allemagne, Grande-Bretagne, Canada entre autres la contention relève de la sécurité et de la protection. Ce n'est pas un moyen thérapeutique. Il existe donc des textes de loi régissant son utilisation, la limitant à des cas de risque de passage à l'acte immédiat avec notification dans le dossier voire la mise au courant de l'avocat du patient de la mesure suivant les pays.

En France, en revanche, la contention n'est pas légiférée car elle est considérée comme un soin à part entière. L'acte thérapeutique est prescrit, choisi par le médecin. La justice n'a pas à s'insérer dans le traitement. Et il n'y a pas de contrôle avant ou après de la justesse de la mesure.

Dans le code pénal français, on ne trouve d'ailleurs que trois articles qui peuvent évoquer la contention. Il s'agit des articles 122-5, 122-6 et 122-7 sur la légitime défense, en cas d'agression injustifiée et qui concernent tous les citoyens.

Dans le code de santé publique régissant les actes infirmiers, il n'y a pas de notion de contention mais d'isolement uniquement.

 

Article R. 4311-6 :
Dans le domaine de la santé mentale, outre les actes et soins mentionnés à l'article R. 4311-5, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes et soins suivants:
1° Entretien d'accueil du patient et de son entourage ;
2° Activités à visée sociothérapeutique individuelle ou de groupe ;
3° Surveillance des personnes en chambre d'isolement ;
4° Surveillance et évaluation des engagements thérapeutiques qui associent le médecin, l'infirmier ou l'infirmière et le patient.
[2]

 

Dans le cas de la contention au corps à corps, il n' y a pas prescription du médecin, puisqu'elle est utilisée le plus souvent dans l'urgence ou qu'elle précède la mise sous contention passive ou en chambre d'isolement.

 

Si la contention en France fait partie intégrante de l'acte thérapeutique, du soin, il est important de s'arrêter d'abord sur le sens du soin en général et en psychiatrie.

 

 

 

II – 4 - Le soin en psychiatrie

 

Le dictionnaire Larousse donne comme définition des soins les "actes par lesquels on veille au bien-être et au bon état de quelqu'un" ainsi que les "actions par lesquelles on conserve ou on rétablit l'état de santé".

Pour Virginia Henderson, pionnière dans la recherche infirmière, les buts des soins infirmiers sont "d'aider au maintien ou au recouvrement de la santé par l'accomplissement de tâches dont l'individu s'acquitterait lui-même s'il en avait la force, la volonté... l'aider à reconquérir son autonomie le plus rapidement possible."[3] Si le patient ne peut accomplir les processus mentaux qui lui permettront d'acquérir un état de santé mental stable, c'est à l'infirmier de l'y aider afin que le malade redevienne autonome mentalement le plus rapidement possible.

 

En psychiatrie, "le soin, dans son acceptation large est l'ensemble des mesures destinées à soutenir le fonctionnement psychique du patient."[4]

Cela renvoie au concept du Holding défini par Winnicott. Il s'agit de "l'ensemble des attitudes adoptées inconsciemment par la mère "suffisamment bonnes" qui lui permettent d'apporter à son bébé un soutien déterminant, physique et psychique, adapté."[5] Dans le soin, ce concept est dit Holding thérapeutique. C'est "l'expérience de certitude d'être tenu, contenu, pour le patient par l'environnement de façon suffisamment solide pour qu'un processus thérapeutique, une expérience maturante puisse s'engager".[6]

La fédération française de psychiatrie décrit le soin psychique comme une conjonction entre un contenant, c'est à dire le cadre, un contenu, soit les traitements médicamenteux, et un conteneur.[7]

C'est le soignant et bien souvent l'infirmier qui joue le rôle de conteneur : C'est lui qui tente de rétablir le processus psychique défaillant. Pour cela, il doit accueillir les processus psychiques délétères du patient ( souffrance psychique). Il les retraite grâce à sa fonction d'élaboration et de transformation des affects puis les renvoie au patient dans une forme acceptable pour lui.

L'infirmier peut jouer le rôle de conteneur car il a des connaissances sémiologiques acquises lors de sa formation initiale ou continue et des compétences analytiques à travers des réunions d'équipe pluridisciplinaires, ce qui lui permet de modifier sa relation et donc la prise en charge afin de restituer les éléments élaborés. Par exemple, face à un enfant perturbé qui va tenter de reproduire son schéma parental défaillant sur l'équipe infirmière en la scindant : Cette dernière ne va pas avoir le même vécu en fonction de l'intervenant. En réunion, elle va expliquer son vécu de la situation, analyser le comportement de l'enfant, et définir un comportement commun pour renvoyer à l'enfant une même cohérence dans le soin. Chaque participant va apporter un point de vue différent en fonction de ce qu'il a appris. Les infirmiers rapportent le comportement de l'enfant et leurs réactions face à celui-ci. Le psychiatre va apporter une connaissance médicale pour expliquer ce comportement, la psychologue va apporter un autre éclairage ( comportementaliste, psychanalytique ...). En fonction de cela, l'équipe décide alors d'adapter la prise en charge : recadrage d'un seul soignant et l'équipe renvoie l'enfant vers celui-ci s'il cherche à obtenir une autre réponse de la part d'un autre, atelier thérapeutique... Cette nouvelle prise en charge va entraîner une autre relation avec le jeune patient. Ce dernier va être amené à sortir du processus psychique délétère pour s'adapter et donc à travailler un nouveau processus psychique.

 

Quand un patient exprime un malaise, une souffrance que le soignant n'arrive pas à entendre, transformer, renvoyer, il peut alors s'exprimer par de l'agressivité et de l'agitation. C'est là qu'on arrive à contenir les gens physiquement. Et c'est pour cela que la contention est souvent vu comme l'échec de la fonction conteneur.



[1] ibid

[2] Art R4311-6  du code de la santé publique, Partie réglementaire – Professions de santé Livre III: Auxiliaires médicaux- Titre 1er , p 82,  Profession infirmier , Recueil des principaux textes Réf 531 001, 2006 ( Juin) , 103p

[3]  PERMUTIER ( L), PERMULTER ( G), QUEVAULLIERS ( J),  2003, Nouveaux cahiers de l'infirmière : Soins infirmiers I : Concepts et théories, démarches de soins, Masson,  qui cite Virginia Henderson

[4]MORANZ ( L ),  PERRIN-NIQUET (A), 2004, L'infirmier en psychiatrie : les grands principes du soin en psychiatrie, Paris, Editions Masson, p80

[5] KIPMAN ( SD), THURIM ( M), TORRENTE ( J ), 2005, Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, p178

[6] PANCHAUD ( R), 2004, ( Mars), "L'enveloppement thérapeutique ", in santé publique ( n° 86), p46

[7] FEDERATION FRANCAISE DE PSYCHIATRIE, 2003, Le livre blanc de la psychiatrie, Edition John Libbey Eutotext, p9

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